Comment l’intelligence artificielle bouscule l’univers du recrutement

L’expression « intelligence artificielle » appliquée au monde du travail est anxiogène et reste trop souvent synonyme dans l’inconscient collectif de destruction massive d’emplois. Cette vision est pourtant loin de traduire la réalité… Dans l’univers du recrutement par exemple, 43 % des professionnels estiment que l’IA va contribuer à améliorer leur métier (Automation Nation Report – octobre 2017). Et ce n’est pas qu’une prophétie : les applications de l’IA dans le recrutement permettent déjà d’accompagner la prise de décision et de libérer les professionnels des tâches à faible valeur ajoutée. Sans pour autant briguer leur place !

Les applications de l’IA dans le recrutement

Ce n’est pas de la science-fiction : l’IA dans le recrutement est déjà présente à trois niveaux.

Pour optimiser les processus de recrutement. L’intelligence artificielle aide les recruteurs à identifier les candidats potentiels pour un poste donné en effectuant un premier « tri » grâce aux données. C’est ce que propose la solution Google Hire, qui affine la recherche dans une liste de CV reçus en tenant compte de nombreux paramètres, comme des mots- clés spécifiques, du temps de déplacement jusqu’au lieu de travail², etc. Ces solutions interrogent également les bases de données de CV de l’entreprise pour remonter à la surface des profils ayant candidaté dans le passé et susceptibles de correspondre à un poste nouvellement ouvert.

D’autres outils permettent de passer en revue les CV sur l’ensemble de la Toile, comme le « CV Catcher » utilisé par Axa et la SNCF. C’est ce qu’on appelle du « sourcing autonome » : l’IA passe au crible les candidats sur différentes plateformes (job boards, réseaux sociaux) en comparant les informations données par les candidats avec les exigences du poste concerné. Il est possible de paramétrer les critères souhaités : niveau de formation, compétences, expérience professionnelle, potentiel de mobilité… Même les soft skills ont leur place.

Pour rendre le recrutement plus objectif. Le biais de confirmation (la fameuse « première impression ») est l’un des biais cognitifs auxquels ni les recruteurs ni les candidats ne peuvent échapper. En se focalisant sur des critères préprogrammés (y compris le discours ou l’attitude du candidat), les algorithmes d’intelligence artificielle font preuve d’une neutralité absolue. Avec le risque, néanmoins, qu’ils soient programmés pour rechercher uniquement un type spécifique de profil, notamment via le « matching affinitaire » qui s’intéresse à la façon dont la personnalité du candidat colle à la culture de l’entreprise.

Pour renforcer les interactions. Une part non négligeable des tâches prises en charge par les ressources humaines sont récurrentes et à faible valeur ajoutée : questions des candidats ou des employés au sujet des processus, accès aux formations en interne, etc. Via des solutions comme le mailing automatique ou la messagerie instantanée, l’IA prend en charge ces tâches récurrentes pour dégager du temps aux recruteurs, qui peuvent ainsi se concentrer sur leurs relations avec les candidats et les employés.

D’autres applications sont possibles, à l’image de l’IA comme aide à l’embauche. « Véra », la DRH virtuelle adoptée par Pepsi et Ikea, est ainsi capable de mener des entretiens de premier niveau et d’analyser le discours du candidat (débit de parole, vocabulaire employé) avant de le confier aux soins d’un recruteur.

Intelligence artificielle et recrutement : compléter plutôt que remplacer

L’intelligence artificielle dans le recrutement ne fait pas que des heureux. Ainsi, 62 % des candidats pensent que l’IA risque de déshumaniser le processus (étude Robert Walters – 2018). Cette crainte est partagée par 44 % des recruteurs. La vision d’une IA destructrice de relations humaines reste prégnante.

Comme on a pu le constater à travers ces différents exemples applicatifs, ces peurs ne sont pas fondées. L’intelligence artificielle n’ambitionne pas de couvrir l’ensemble du recrutement, mais seulement certaines tâches récurrentes dont l’automatisation ne remet pas en cause la dimension humaine du processus.

En particulier, le contact direct avec les candidats reste de mise. Au-delà du « matching » entre les données personnelles des candidats et les exigences d’un poste, la qualité de la relation, l’impression offerte par les individus lors des échanges et l’identification des soft skills conservent toute leur importance. Les candidats restent bien plus que de la simple data.

En ce sens, l’IA dans le recrutement n’a pas vocation à remplacer les recruteurs, mais bien à les compléter. Pas plus que la calculatrice n’a eu vocation à prendre la place du comptable !